Réaction de Montreuil Environnement au projet de PLU

L’aménagement agricole du site des Murs à Pêches présente un caractère exceptionnel, du fait qu’il est très urbain, en immédiate périphérie de la Ville de Paris. À aménagement exceptionnel doit correspondre un projet exceptionnel, pensé globalement selon trois axes directeurs: révéler, réhabiliter, réinventer, et une méthode, l’élaboration au fil de l’eau et la concertation permanente avec les porteurs du patrimoine, de l’agriculture et les habitants.

La Mairie a élaboré un projet de Plan Local d'Urbanisme (PLU) et l'a présenté notamment lors de réunions publiques de concertation en juin puis octobre 2009. Plusieurs documents sont disponibles et peuvent être consultés en ligne sur le site de la Mairie:

Montreuil Environnement considère que le travail d’élaboration du PLU n’est pas cohérent, en terme de phasage dans le temps, avec la mise en œuvre de l'aménagement agricole des Murs à Pêches. La vision « Demain les murs à pêches » portée par notre association est pour l’instant la seule matérialisation tangible d’un projet possible pour le site, dont le « cahier des charges » a été esquissé lors de la commission extra municipale sur les Murs à Pêches. Le volet patrimonial de ce cahier des charges est assez discrètement porté par la Mairie et le volet agricole, qui lui est consubstantiel, n’est pas du tout assumé, comme en témoigne l’absence totale des termes « agricole » ou « agriculture » dans la communication papier « PLU de Montreuil : quelle ville voulons-nous pour demain ? » postée à tous les habitants mi-novembre 2009. Manque de courage de la Mairie ? Crainte d’une incompréhension de ses partenaires associés (Région, Département, DDE, Caisse des dépôts et consignations, etc…) ?

Comment expliquer alors que des zones agricoles soient explicitement proposées dans le projet de PLU présenté au dernier trimestre 2009 ? Leur présence révèle à la fois la volonté par la Mairie de s’engager dans un aménagement innovant et populaire, et une approximation inquiétante dans la gestion d’un projet de cette ampleur. Ainsi, se pose toujours aujourd’hui la question de la teneur du projet, de son envergure et des partenaires associés à sa gestion.

Projet de zonage du PLU présenté en réunion publique en octobre 2009.
Les zones agricoles sont identifiées "zone A".

Montreuil Environnement a demandé, en conclusion de la commission extra municipale sur les murs à pêches, qu’une étude détaillée des possibilités et conditions de production agricole soit commandée puis réalisée par des organismes compétents à l’été 2009. La nécessité de cette étude fut actée en commission. Sans nouvelle en juillet, l’association a donc réitéré officiellement sa demande auprès de la Mairie. Réponse fut finalement faite que l’étude ne présentait plus de caractère d’urgence. Résultat : des terres pourraient aujourd’hui être classées zone « agricole » alors que la possibilité de leur exploitation, parcelle par parcelle, est inconnue, tandis que d’autres sont vouées à l’urbanisation, quand elles pourraient être cultivées.

Ainsi, le contexte est désormais défavorable pour un travail serein, cohérent et partagé sur la définition de l'avenir agricole du site des Murs à Pêches. Néanmoins, Montreuil Environnement souhaite contribuer à la concertation sur le projet de PLU à travers les propositions suivantes concernant plusieurs volets thématiques relatifs au seul site des Murs à Pêches:

Propositions pour le PLU: caractère patrimonial du site

L’aspect paysager des rues St Antoine et Nouvelle France doit être affirmé comme symbolique du patrimoine des murs à pêches, et la protection de ce paysage être expressément assuré par la future réglementation.
Ceci inclut naturellement l’aménagement de la voie et de ses abords (réfection des murs, élaboration de costières…), la définition des règles de circulation (douce essentiellement, et véhiculée exceptionnellement) et de stationnement (prohibé pour les véhicules motorisés dans la rue), mais aussi la perspective que produiraient des bâtiments, de quelque nature que ce soit, visibles depuis la rue. À cet égard, l’absence de bâtiments et ponctuellement la présence de bâtiments sans étage sont la solution évidente.

« Le paysage des murs à pêches résulte d’une activité horticole historique. Il est entièrement fabriqué par elle et ne se justifie que par elle. La mise en péril des murs, donc du paysage identitaire le plus remarquable de Montreuil, coïncide avec l’abandon des pratiques qui justifiaient leur existence. La question qui se pose concernant la pérennité du paysage des murs revient à poser la question de la pérennité des usages. La dominante paysagère du site viendra d’une dominante d’usage sauf pour des activités mineures et dissimulées à la vue. La question revient toujours aux usages… »
Nous partageons pleinement cette analyse de Gilles Clément, jardinier paysagiste, exprimée lors de la commission extra municipale sur l’aménagement des murs à pêches. Elle justifie le principe directeur suivant : les parcelles mitoyennes des rues Saint-Antoine et Nouvelle-France doivent être, en majorité, dédiées à l’agriculture. Le paysage des murs sera ainsi complété du constat par les visiteurs du retour à l’activité agricole sur le site : murs et activités agricoles constituent de manière irréductible le caractère patrimonial du site.

Le cœur du site des murs à pêches, du point de vue géographique et patrimonial, est situé au croisement des rues Saint-Antoine et Nouvelle France - jusqu’à l’actuelle autoroute. Dans le zonage actuel, cette partie est traitée de manière tout à fait anodine, alors qu’elle représente l’enjeu clé du projet d’aménagement.
Afin d’affirmer la centralité de ce cœur de site, on créera une large place piétonne, espace de rencontre et de convivialité, autour de laquelle seront implantées guinguettes, cafés et/ou restaurants (temporaires ou permanents). À proximité de la place, sera implanté le belvédère, qui nulle part ailleurs n’offrira une vue panoramique aussi saisissante sur l’ensemble du site.
Cette zone centrale, emblématique du site, visible et naissant au bord du tramway, se poursuivra jusqu’au croisement des rues Saint Antoine et Nouvelle France, puis en direction de la future piscine écologique.

Propositions pour le PLU: périmètre de la zone agricole

La zone agricole (ZA) telle que proposée actuellement ne présente pas de cohérence d’ensemble. Elle est basée sur le périmètre de la zone classée à peine élargie, dont tous les acteurs s’accordent pour dire qu’elle n’a pas été définie de manière pertinente, notamment au regard du projet de classement tel qu’il avait été étudié initialement (17 ha).

Par ailleurs, le projet agricole n’aura d’envergure et de rayonnement dans et au-delà des frontières de Montreuil que s’il est affirmé et ambitieux. L’activité agricole dans le site, si elle n’est conçue que comme une caractéristique secondaire, ne permettra pas au site de faire revivre une notoriété formidable acquise au cours des siècles et qui a survécu au désintérêt que la puissance publique lui a porté depuis plusieurs dizaines d’années.

La volonté de créer une zone agricole continue, vaste et homogène ne relève pas du « jusque boutisme » agricole. Elle correspond à la nécessité d’établir un projet global identifiable par la population et les différents partenaires de la mairie pour cet aménagement. Les deux zones agricoles coupées en deux par l’actuelle autoroute doivent donc absolument être « remembrées ».
Pour les mêmes raisons, les constructions envisagées en pourtour du site ne devront pas avoir pour conséquence de « fermer » le site sur lui-même. Toutes les solutions favorisant sa visibilité et son désenclavement sont à privilégier.

Les mesures de protection durable des murs, des sols et des usages sont nécessaires à la réussite du projet. Suite à la mise en place de la zone agricole suffisamment cohérente au niveau du PLU, la mise en place d’une ZAP et d’un PAEN sera possible : cet outil réglementaire permettra de protéger la destination des espaces agricoles urbains, sans compromettre le maintien des habitants et propriétaires terriens, dès lors qu’il est compatible avec le programme d’actions. Il pourra permettre de préserver le patrimoine créé par les arboriculteurs montreuillois, sans léser leurs descendants.

Propositions pour le PLU: zones d'activité agricole

Le zonage Uxa n’apporte aucune garantie sur la vocation agricole des activités qui seront implantées. Hors il est crucial, pour la lisibilité du projet d’aménagement, que l’ensemble du site soit voué à l’agriculture et aux équipements et activités associés (avec pour seuls exceptions la piscine écologique avec phytoépuration – « lagunage » – et le conservatoire botanique national).
La surface dédiée aux activités est par ailleurs jugée a priori excessive par rapport aux besoins anticipés des exploitations agricoles, d’autant qu’il est envisageable, si cela s’avérait nécessaire dans le temps, de reconvertir les Zones Industrielles déjà présentes sur le site.

Les activités suivantes sont essentielles pour le fonctionnement de l’activité agricole et la promotion du site :
  • Entrepôts ou locaux (dont collectifs) nécessaires à l'exploitation
  • Aménagements minimaux nécessaires pour la réception du public sur les parcelles (écoliers, visiteurs, cueilleurs…)
  • Points de vente
  • Guinguettes, cafés, restaurants
  • Espaces permettant la mise en œuvre d’activités culturelles (scènes ouvertes)
  • Un équipement centralisant la plateforme des produits du terroir, un marché pérenne et des espaces pour des expositions temporaires (bâtiment obligatoirement respectueux du patrimoine comme la halle aux moutons)
  • Le belvédère (un arbre monumental)

La possibilité pour les exploitants agricoles, s’ils le souhaitent, d’habiter sur leur parcelle dans un logement construit de manière cohérente avec la vocation du site (matériaux naturels : bois, paille, etc…) doit être proposée. Des synergies pourront être développées avec le centre de formation aux éco filières du bâtiment, qui sera situé à proximité immédiate.

La petite activité liée aux exploitations agricoles et les habitations telles que conçues ci-dessus pourront et devront s’intégrer aux parcelles agricoles. Dès lors, très peu de zones d’activités dédiées au PLU sont nécessaires.

Enfin, comme mentionné plus haut, la possibilité de développer des activités agricoles sur des zones affectées au PLU n’est pas garantie à ce jour, aucune étude de faisabilité n’ayant été conduite. A la suite d’une telle étude, dont la réalisation ne saurait être reporté sine die dans l’optique de la poursuite d’une définition raisonnée et raisonnable du projet d’aménagement, le zonage agricole pourra être revu, parcelle par parcelle, afin de céder la place à des zones d’activités quand le développement d’agriculture sera prouvé impossible.

Pour ces raisons, il est recommandé de convertir globalement une bonne partie des zones d’activités du projet de zonage du PLU en zones agricoles – dans le souci par ailleurs de rétablir une zone agricole continue et homogène sur le site. Puis de revenir ponctuellement, en fonction des études détaillées qui seront menées, en zone d’activités ultérieurement. Les urbanistes s’appuieront pour ce faire sur les agronomes.

Propositions pour le PLU: voies de circulation

Le passage du tramway à travers les murs à pêches est une excellente opportunité de donner une large visibilité sur le cœur du site, son caractère patrimonial et agricole. En effet, les Franciliens pourront lors de leur trajet découvrir le site, son paysage, sa large place piétonne, son belvédère et ses jardins cultivés, et donc éprouver le désir de s’y arrêter ou d’y revenir. A cet effet, une avenue piétonne sera aménagée le long du tramway, reliant les deux stations situées à l’entrée du site.

Dans le projet d’aménagement détaillé, on prendra garde à ne pas surévaluer le nombre de voies traversantes par rapport au besoin réel, mais au contraire à le limiter au strict minimum. Le site n’a pas été conçu pour être traversé, c’est une de ses caractéristiques patrimoniales (note : aucune voie, hormis la rue Nouvelle France, ne permet aujourd’hui de traverser le site en ligne droite. La simple « suture » des deux rues Saint-Antoine est un progrès majeur en terme de circulation, tout comme la transformation de l’autoroute en voies de tramway et dédiées aux circulations douces).
Par contre, il serait pertinent de créer un cheminement, en ligne brisée, qui permettra de révéler le site selon différentes perspectives et qui reliera les différents points « forts » dans le site. Une étude est à mener sur le terrain pour le définir précisément.

Par ailleurs, la circulation à vélo ou à pied entre deux murs de 3 mètres de haut, dans un passage étroit, produira à coup sûr un sentiment d’insécurité, qui aura pour effet de limiter fortement l’utilisation de ses traversantes et donc leur utilité.