Planète Lilas remet en culture une banlieue parisienne

Planète Lilas redonne vie à la culture maraîchère à Vitry, à quelques encablures au sud de Paris. Depuis 2007, l’association travaille sur des parcelles mises à disposition par le conseil général du Val-de-Marne.

Le parc départemental des Lilas regroupe près de cent hectares, dont une cinquantaine à ce jour est ouverte au public. Les terres étaient anciennement cultivées ; l’idée de renaissance germe chez Philippe Maingault en 2005.


Cet économiste de formation, enseignant vacataire à l’université de Saint-Denis et ancien fonctionnaire territorial, est natif de ce coin de banlieue. Il connaît le site du parc depuis toujours, son histoire citoyenne s’est construite dans l’idéal de solidarité et de transformation sociale de la ceinture rouge de Paris. Les rapports entre paysans et citadins le préoccupent en ce sens que pour lui, « les petits producteurs agricoles sont des prolétaires des temps modernes », dont le revenu est soumis au bon vouloir de leurs commanditaires, de plus en plus inscrits dans des filières de transformation et de distribution industrielles et mondialisées.

Le projet de reconstruire des circuits courts périurbains naît lors de congés dans une ferme du réseau Accueil Paysan en Dordogne, en août 2005. En octobre, Philippe se rend à Equitexpo, salon du commerce équitable organisé par le réseau Minga, à l’Ile-Saint-Denis. Il y rencontre Fabien Bertrand, maraîcher initiateur de la première amap en Ile-de-France et originaire de Thiais, ville voisine de Vitry. A la réflexion entamée par les deux hommes, Philippe conviera deux de ses étudiants « alter-économistes ».

L’engagement dans le tissu politique et associatif local permet d’ouvrir les élus au projet de réintroduction du maraîchage dans le parc des Lilas. Jacques Perreux – qui sera le directeur de campagne de José Bové pour la présidentielle de 2007 – est le conseiller général du canton: il sera dès le départ un soutien fort.


En août 2006, l’association Planète Lilas est constituée, statuts déposés : « Planète, parce que nous voulons relocaliser mais pas se replier, le local doit être ouvert au monde », précise Philippe. A l’automne, des subventions européennes sont obtenues, 23.000 euros qui permettront de démarrer. Le 1er janvier 2007, Fabien Bertrand et un étudiant sont embauchés à mi-temps. « On démarrait sans abri et sans terre », se rappelle l’initiateur du projet. Mais ça vient. Le conseil général met le terrain à disposition, ainsi que l’eau. Fabien bénéficie rapidement d’un emploi tremplin accordé par le conseil régional. Ancien du Service civil international (SCI) (1), il invite de jeunes volontaires à venir travailler l’été sur le site. L’association démarre à quatre puis dix adhérents, 2.500 mètres carrés sont cultivés cette première année...

La progression est ensuite rapide. Planète Lilas passe à 70 adhérents au bout d’un an ; elle en compte 250 aujourd’hui. Une bonne cinquantaine participe aux travaux des champs et à la vente des légumes. Des volontaires du SCI viennent toujours l’été, gracieusement mais logés – par la ville – et nourris, à raison de trois ou quatre chantiers d’une quinzaine de jours pour 8 à 10 personnes à chaque fois. Un deuxième emploi tremplin est obtenu : une jeune maraichère partie depuis s’installer sur sa propre ferme, remplacée par une autre jeune femme (2). Les deux maraîchers, désormais à plein temps, font équipe avec Philippe lui-même, coordinateur embauché depuis fin 2008 grâce à une subvention de la ville de Vitry (3).


2,5 hectares sont cultivés aujourd’hui, avec un objectif à moyen terme de mettre six à 10 hectares en culture. 80 paniers sont vendus chaque semaine sur abonnement, sur les douze mois de l’année. Le panier pour 3 ou 4 personnes est à 13 euros. L’équivalent d’une quarantaine de paniers est vendu sur place les mercredi et samedi après-midi, au détail. De sorte que, pour un budget de fonctionnement de 136.000 euros, la part d’autofinancement dépasse la moitié du budget avec la vente de produits atteignant déjà 55.000 euros, complétée par les cotisations mais aussi diverses prestations d’animation pédagogique auprès de structures sociales.

L’objectif est de gagner en autonomie par rapport aux aides publiques, ce qui est le but de tout paysan. Des marges d’amélioration dans la planification et la conduite des cultures sont reconnues. Mais le pari est d’ores et déjà gagné : en quatre ans, la production légumière s’est bel et bien réimplantée et développée dans cette proche banlieue parisienne, dans la dynamique citoyenne associant tant individus qu’élus locaux. Preuve une nouvelle fois que les potentiels d’installation et de vie paysanne sont forts sur tous les territoires.

Benoît Ducasse

http://planete-lilas.ouvaton.org

(1) www.sci-france.org – 01.42.54.62.43
(2) grâce à une annonce diffusée dans Campagnes solidaires !
(3) passée de quelques centaines d’euros en 2007 à 21.000 euros en 2011.

Photos : (c) Planète Lilas.